La Zaouia Tidjania à Guémar et le développement du Souf . Ecrit par : Mr Bensalem BELHADEF

1. Aperçu sur le Souf .


Le Souf est une zone désertique qui se situe sur un océan de sable doré au sud-est de l'erg Algérien, à proximité des frontières Tunisiennes. Sa capitale économique est la ville d'El-oued, connue - jadis - sous le surnom du " salut des fugitifs ".
Le Souf est un groupement humain forgé par des hommes, et la vie de ses habitants se base essentiellement sur le commerce, la culture des palmiers dattiers, et l'élevage du cheptel et des dromadaires. Sa superficie est d'environ 40 000 km2, avec une longueur entre Stail et Ghdames dépassant les 620 km, et une largeur de 160 km.
Malgré sa nature et son climat extrèmement rude, l'homme soufi avait su transformé ce désert en une oasis de palmerais, et y avait innové un style d'architecture unique en son genre caractérisé par des " coupoles " au point où la ville d'El-oued avait reçu le nom " ville des mille et une coupoles ". L'homme dans cette région tient beaucoup à la terre car c'est lui qui l'avait apprivoisé, et, avec son génie, avait dompté sa nature à son profit. Un accouplement entre la rudesse naturelle et le courage humain avait donné naissance à l'homme soufi avec ses caractéristiques corporelles, son mode de vie, sa mentalité, et ses convictions.
Guémar est une belle oasis plate du Souf. Une ville élégante avec ses mosquées, ses zaouias, et ses savants. Elle est la deuxième grande ville après El-oued, et ses citoyens sont connus par leur activité, leur sérieux, et leur perspicacité. La vie à Guémar se base, en général, sur l'agriculture ( dattes, cacahuètes, pommes de terre, et divers produits saisonniers ).
Cette ville porte toutes les caractéristiques d'une vraie ville arabe. Ses issues sont appelées " portails " ( portail ouest, portail est, portail nord ), ses ruelles sont couvertes, et ses habitations, en plâtre et en pierres, sont très serrées. A l'intérieur de chaque maison, la nature du sahara et son climat sont pris en considération pour résister aux changements du temps d'une saison à une autre, et favoriser des conditions convenables au stockage des vivres, et le repos des gens contraints d'affronter les éléments. En effet, le toit en coupole était la meilleure façon de dissiper les rayons solaires et d'y empêcher l'entassement du sable et l'accumulation des eaux de pluies. Par ailleurs, la position des chambres dans la maison est choisie de manière à receptionner le soleil et y créer une aération idéale. Dans chaque maison, une chambre bénéficiant de la première ombre du début de l'aprés-midi est consacrée pour l'été, une autre, avec une cheminée, en guise de salon, pour l'hivers; sans oublier que chaque maison est pourvue d'une chambre d'accueil des hôtes et celle des approvisionnements.
A Guémar, la condensation des habitations est un indice clair de la parfaîte cohérence sociale.
A Guémar, aussi, la première zaouia tidjania dans le monde avait vu le jour sur ordre du Cheikh Sidi Ahmed TIDJANI que la satisfaction d'ALLAH le couvre.


2. Historique de la Zaouia Tidjania à Guémar .


En 1198 ( hégire ) Sidi Mohamed SACI, installé à la ville de Laghouat comme enseignant de Coran, avait entendu parlé du cheikh Sidi Ahmed TIDJANI et lui avait rendu visite à Ain-Madhi. Il était émerveillé par cette rencontre et était devenu un de ses disciples. Le cheikh l'avait exhorté de regagner Guémar pour la diffusion de la confrèrie. Sidi Mohamed SACI exécuta l'ordre de son maître, et y avait entamé sa mission. Plusieurs citoyens de Guémar avaient répondu positivement à son initiative. En 1201 ( hégire ), un groupe de 10 hommes, de Guémar, avaient décidé de visiter le Cheikh à Ain-Madhi; il s'agissait de :
• Sidi Mohamed SACI
• Sidi Tahar BENABDESSADEK
• Sidi Abdallah BADDA
• Sidi Ahmed BENDAS
• Sidi Ahmed MANSOUR
• Sidi Ahmed BENSAAD
• Sidi Ali BENHNICHE
• Sidi Mohamed BENBELGACEM
• Sidi Mohamed BASSA

Et du village de Taghzout, à proximité de Guémar :
• Sidi Ahmed BENSLIMANE


3. Contribution de la Zaouia Tidjania à Guémar dans la stabilité de la région .


Au début, l'aire de la zaouia ne dépassait pas les 81 m2 ( 9x9 ). Dedans, les " Ahbabs " ( disciples Tidjanis ) se réunissaient pour l'invocation, la récitation du Coran, et pour mieux se connaître afin de mener à bien leur devoir.
Après le passage du cheikh Sidi Ahmed TIDJANI auprès du Créateur, l'administration de la zaouia passa directement entre les mains de son khalifa suprême Sidi Hadj Ali TAMACINI , et après lui ses successeurs. Elle s'était transformée en une source de savoir et de connaissance, et avait joué un rôle très important dans l'essor de la construction, l'agriculture, et l'instruction.
La zaouia - en la personne de son Cheikh - avait contribué à l'instauration de la paix et la stabilité dans la région du Souf entre les différentes tribus devenues disciples Tidjanis. L'Histoire nous reporte que Sidi Hadj Ali TAMACINI avait réussi à éteindre les conflits et les différends qui sévissaient avant entre les frères. Elle témoigne aussi de son attitude vis à vis de ce fléau quand il avait dis : " Nous avons creusé un trou et nous y avons enterré toutes les anciennes haines, et quiconque les déterrera assumera les résultats de son acte ".
Après lui, ses successeurs avaient tous agit dans le même sens et adopté le même style pour la réconciliation, l'apaisement des esprits, et l'orientation des attentions des musulmans vers ALLAH et vers leurs intérêts vitaux, et leurs activités de base tels l'agriculture et le commerce, jusqu'à ce que la région du souf s'était transformée en une vraie fourmilère " humaine " dans tous les domaines.


4. La Zaouia Tidjania à Guémar et l'instruction .


La zaouia, sous la direction de l'Imame suprême Sidi Hadj Ali TAMACINI, l'auteur de la citation célébre " la planche, la bêche, et le chapelet ", avait brandi l'emblème de la connaissance en incitant les jeunes à s'instruire. des disciples étaient envoyés par groupes à l'université de la Zaitouna ( en Tunisie ) pour se former dans différentes spécialités religieuses et linguistiques, et avait encouragé à l'ouverture des écoles coraniques. A l'instar des autres zaouias Tidjanias, la matinée de la zaouia à guémar était chargée d'un programme d'étude consistant à l'apprentissage du coran aux enfants, et l'enseignement de ses sciences, de ses interprétations, et de la " sounna " du Prophète, tandis que sa soirée est consacrée aux ronds d'invocations, de récitation collective d'une partie du coran ( le Hezb ), et aux rassemblements de concertations et de réconciliations. L'histoire nous reporte aussi que la première école dans la région ayant eu recours à la méthodologie relativement moderne pour diverses connaissances était au sein de la zaouia Tidjania à Guémar.


5. La Zaouia Tidjania à Guémar et la fabrication des tapis .


Le tissage traditionnel prépondérant au Souf était le " félij " ; tissu épaix, solide, et très rugueux à la touchée, à base de poils de chameaux et de chèvres, utilisé pour tapisser le sol, construire des tentes, et confectionner des sacs de toutes dimensions.
En 1890 la fabrication des tapis fit son apparition au Souf, et plus précisément à la zaouia Tidjania à Guémar. Cette technique était importée de la région des " Némamchas " avec l'aide de spécialistes dans le métier, puis se propagea très rapidement parmi la population qui l'avaient beaucoup apprécié. Peu d'années après, un tisserand Constantinois de renommée, d'origine Tunisienne, dit Brahim GHARIB, arriva à la région accompagné de sa famille et y avait ouvert un atelier pour la fabrication des tapis. En 1906 il avait ouvert une classe à l'école de Guémar pour enseigner ce métier. Peu à peu, le tapis du Souf avait pris ses spécificités se basant sur la haute qualité de sa laine locale et ses noeuds très forts ( 26 noeuds/dm2 ), et aussi sur l'harmonie entre ses couleurs unissant le blanc et le noir avec le marron et le gris.


6. La Zaouia Tidjania à Guémar et la gravure sur le plâtre .


En 1870, le Cheikh Sidi Mohamed Laid premier ( fils et successeur du Cheikh Sidi Hadj Ali TAMACINI ) construisait la mosquée de la zaouia Tidjania à Guémar. Pour les travaux d'ornement, il avait fait appel - de Ain-Madhi - à un graveur ( sculpteur ) spécialisé en gravure sur le plâtre. Ses chefs d'œuvre sur les murs de la mosquée et ses annexes avaient influencé tous les maçons du Souf qui avaient beaucoup appris de lui, et avaient adopté son style, voire l'améliorer, et avaient vulgarisé l'usage de cet art, dans un premier temps dans les mosquées, puis il s'était vu envahir les façades des habitations et les boutiques. Les autorités coloniales avaient été ébahies par l'adresse et le génie des soufis, surtout du célébre maçon, le grand Omar GAGA de Guémar, sollicité et envoyé à ALGER pour la décoration de la Grande Poste, puis outre-mer, en France même. Après l'indépendance, un atelier était ouvert à l'institut de la formation professionnelle afin de diffuser cet art sur tout le territoire national.
En effet, les héritiers de la gravure sur le plâtre s'étaient déplacé à Batna pour garnir sa grande mosquée, à Constantine pour le même but à la mosquée et l'université Emir Abdelkader, et puis avaient pris la direction du sud pour s'occuper des mosquées de Béchar et d'Adrar et bien d'autres. Ce sont ces maçons qui avaient perfectionné l'art de la construction des coupoles en demi-sphères et en demi-cylindres . Un modèle apprécié et adopté par les gens de cette contrée car il avait réuni l'utile et l'agréable, et avait présenté une alternative aux toits pyramidaux dont le seul prototype réalisé au Souf se trouve - jusqu'à nos jours - à la zaouia Tidjania à Guémar.
Les génies de Guémar avaient aussi réussi dans la peinture sur le plâtre. Des tableaux sur lesquels est exposée une combinaison fascinante, méticuleusement coloriée, entre des formes arabesques décoratives et des calligraphies arabes de versets coraniques, des noms saints d'ALLAH, et du prophète et ses compagnons, le tout encadré de dessins de palmes et de feuillages fleuris.


7. La Zaouia Tidjania à Guémar aux temps des grandes famines .


A la zaouia, un moulin était consacré pour préparer la farine d'un repas collectif quotidien aux pauvres et aux nécessiteux qui affluaient de tous sens poussés par la morsure de la faim, surtout aux temps des disettes engendrées par les deux guerres mondiales. Dedans, ils trouvaient la sécurité et la quiétude, et se sentaient qu'ils sont entre de bonnes mains.
Sous la direction du khalifa Sidi Hadj Ali TAMACINI et ses successeurs, la zaouia Tidjania à Guémar avait accompli une mission majeure dont l'objet était le service de la connaissance sainte, la stabilité, et l'exhortation des volontés au travail de la terre et à la production pour l'autosuffisance, en ne comptant que sur ALLAH et sur ses propres moyens. C'était un rôle primordial car il s'agissait de préserver l'identité nationale à travers une époque cruciale d'occidentalisation et de tentatives impitoyables de métamorphoses menées par le colonisateur. Aujourd'hui, comme hier, elle continue à contribuer à la renaissance nationale et à la modernisation de la nation dans les domaines scientifiques et culturels, et à fortifier les liens des générations nouvelles avec leurs racines et leurs aïeux.


8. La Zaouia Tidjania à Guémar et la révolution de libération .


Il est inscrit dans l'Histoire d'Algérie que la région du Souf est reconnue comme la " pépinière " de la révolution sacrée. Au cours de l'été de 1947, le héros national, le Chahid Mohamed BELOUEZDED, avec un groupe de résistants ( Mohamed BOUDHIAF, et Said IDRISS ), avait rendu visite au Souf dans le cadre d'une compagne de sensibilisation sur la révolution armée basée sur la conviction que " ce qui était pris par la force ne pourra être restitué que par la force ". Les gens du Souf en avaient fait leur cause principale, et les pionniers avaient entamé une mission d'importation, de rassemblement, et d'acheminement d'armes aux Aurés à travers Biskra.
Parmi les premiers volontaires dans la révolution étaient les fils et les disciples de la zaouia Tidjania à Guémar. Certains d'entre eux étaient tombés dans le champ d'honneur en Chahid, les autres avaient vecu en héros ayant perfectionné leurs devoirs, et ayant mérité de contempler l'emblème palpitante de la patrie qui érige ses institutions et progresse fermement vers un avenir prometteur.


9. Renouveau culturel et scientifique entrepris par le khalifa actuel le Cheikh Sidi Mohamed Laïd III .


Le monde entier constate que le le Cheikh Sidi Mohamed Laïd TIDJANI est le meneur d'une action d'épanouissement au sein du Souf dirigée depuis la zaouia Tidjania rénovée, à Guémar. Un complexe culturel splendide et ultra-moderne; un bijoux architectural selon les normes arabo-islamiques renfermant une grande bibliothèque, une salle d'ordinateurs et Internet, une école coranique, et une grande salle de conférence et de réunion.
A vrai dire, le Cheikh Sidi Mohamed Laïd III n'a jamais cessé d'encourager les jeunes générations à s'instruire et à se cultiver, et à réussir leurs études et récolter des diplômes reflétant du savoir solide et de vraies compétences. Il a aussi lancé les colloques culturels d'été, dans un souci d'encadrement objectif et méthodique des jeunes, pour l'enracinement des bonnes habitudes d'une pensée scientifique durable dans leurs esprits, car ce n'est que dans ce genre de contexte que s'optimisent les énergies au profit de l'éthique, la religion, et la nation.